Voyage de Pierre Jaquet-Droz à la cour du roi d'Espagne, 1758-1759.

Le récit du voyage à Madrid qu'accomplissent au printemps1758 PierreJaquet-Droz, AbrahamLouisSandoz, son beau-père, et un troisième compagnon, JacquesGevril, tient, pour une large part, du conte de fées. Certes, on veut bien nous faire savoir que "les rois d'Espagne avaient le goût des pendules, autant que des tableaux de maîtres" mais, tout de même, il fallait que les trois Montagnons eussent, chevillé au cœur, le goût de l'aventure, pour s'en aller ainsi "présenter des pendules à un roi"! Sûrs d'eux-mêmes, certainement. En tout cas, PierreJaquet-Droz. Conscients de leur valeur, la chose ne fait pas de doute pour AbrahamLouisSandoz, issu du peuple, ayant bénéficié de ce qu'il est convenu d'appeler une ascension sociale, ce qu'attestent une charge publique et les honneurs y afférents. Brochant sur le tout, un peu de naïveté, peut-être, mais dont l'authenticité ne pouvait qu'ajouter au prestige des ouvrages que les compagnons transportaient dans leur charrette couverte! Rien de moins qu'une fortune. Grâce au Journal d'AbrahamLouisSandoz, à sa correspondance, à d'autres documents manuscrits, à des sources diverses dont fait état une riche bibliographie, AndréTissot a reconstitué les étapes de ce que l'on appellerait aujourd'hui le "climat" du voyage. Il dépeint Madrid et la cour sous les couleurs du temps, comme il se plaît à décrire l'atmosphère dans laquelle vivaient alors les habitants de LaChaux-de-Fonds. Même si les notations d'AbrahamLouisSandoz "restent au niveau l'ordinaire", même si l'auteur du Journal se borne à "rendre compte", de larges pans d'histoire nous sont ainsi dévoilés sur lesquels AndréTissot jette la lumière d'une érudition sensible aux gens et choses du passé, comme au miracle d'une horlogerie artisanale dont les chefs-d'œuvre ont de quoi éblouir l'amateur de la fin du xxesiècle, au même titre qu'ils émerveillèrent la cour d'Espagne. Remercions AndréTissot d'avoir, lui aussi, fait le voyage à Madrid, pour y retrouver "LeBerger", un air du temps, sans doute, à travers l'épaisseur de l'histoire et, surtout, grâce aux cheminements de l'imagination, la chaleur humaine qui se glisse entre les lignes d'un récit où la réalité doit l'emporter sur le conte de fées!